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En traversant les âges
2 janvier 2009

Chapitre III

Fabrice n'en revenait pas. En fait il s'était attendu à tout sauf à ça. Pourquoi un homme, un noble tellement plein d'argent voulait-il se faire oublier de cette manière? Il avait des dettes? Des ennemis à ses trousses? Pourquoi faire appel à un homme tel que lui pour lui venir en aide? A moins... A moins qu'il n'ait eût vent de ses précédentes manigances. Etait-ce possible? Il avait pourtant effacer le plus de trace possible de son passé. L'ex malfrat serra les dents, contrarié, cependant il remarqua que l'aristocrate n'avait pas l'air d'être gêné par cette nouvelle, d'ailleurs, c'était certainement pour cette raison qu'il l'avait engagé. Mais, Seldar ne comptait pas reprendre ses anciennes combines, loin de là, il était devenu quelqu'un d'honnête malgré son sombre passé. Il n'était pas prêt à se salir de nouveau les mains, et encore moins d'être retrouvé pour ce qu'il avait fait. Car c'était bien ça qui lui faisait le plus peur, si cet homme qui se disait de confiance le remettait aux autorités, si tout simplement il avait été engagé pour lui faire dire des aveux. Non, cette mascarade était bien trop risquée, il ne pouvait se permettre d'accepter.

*Trop tard, résonna une voix en lui, tu as écouté ce qu'il t'as dit, tu es maintenant pieds et poings liés, tu dois accomplir ta tâche.*

Seldar baissa les yeux et réfléchit. Se disant que c'était peut-être seulement des idées, qu'en fait cet homme ne savait rien et qu'il l'avait simplement employé au hasard. Mais cela aurait vraiment été idiot d'agir de cette manière et ce Mornel était tout sauf bête, preuve en était qu'il s'amusait presque avec lui. Il était intelligent et cela se voyait. Fabrice soupira. Il était coincé maintenant.

- Bien, comme je suis dorénavent votre homme, j'aimerais savoir combien je vais être payé. Parce que quitte à devoir vous obéir, je préfère savoir combien je vais en tirer.

Décidément, cet homme ne perd pas le nord, se dit Charles. En même temps, si cela pouvait faire en sorte qu'il lui obéisse mieux, soit. Le noble se leva de son fauteuil et se dirigea vers une armoire qui se trouvait près de la porte de sa chambre. Il ouvrit le meuble et en sortit un mallette, ensuite il l'amena sur la table entre les deux sièges et reprit sa place. Le Lycanthrope ouvrit son bien et le tourna vers son « major d'homme », qui n'en revint pas. Il avait le souffle coupé, comment un homme pouvait il acquérir tant de richesses?

Dans la mallette était disposé sous verre vingt pierres précieuses de tailles différentes, mais valant les yeux de la tête si on savait à qui s'adresser pour les vendre. En quelques secondes, le regard de Seldar passa de son employeur à la mallette, il était epoustouflé, en fait il n'y croyait pas. Cet homme devait se jouer de lui, pourquoi offrir une telle fortune pour se faire passer pour mort?

- Ceci est à vous. Cependant, avant de pouvoir le détenir entre vos mains, j'ai encore quelques petites choses à vous demander. Premièrement, ce qui va vous revenir, personne ne saura d'où vous le tenez, ensuite, je vous fais riche, seulement si vous êtes capable de tenir votre langue, je serais mort pour vous comme pour les autres. Et pour finir, vous ne devrez en aucun cas revenir en Europe, vous aussi vous devrez rester en Amérique. Mais à ce que j'ai pu savoir, vous n'avez rien qui vous retiens ici et puis, vous aurez bientôt de quoi vivre dans le luxe pendant votre vie entière. Je vous conseille de partir vers le Brésil, il n'y a pas de meilleur endroit pour investir. A moins que vous ne préféreriez un endroit un peu plus froid tel que les bords du Saint Laurent. C'est à vous de choisir et je m'en lave les mains, tant que vous respectez votre engagement.

Suite à sa grande tirade, il y eut un long silence, qui laissait aux deux hommes le soin de réfléchir à leur actions. Charles sentait que Seldar allait accepter, mais ce qu'il ignorait c'était ce qui pourrait se produire dans les prochains jours. En fait il avait anticipé en prenant soin de mettre autant d'argent dans une si simple entreprise, cependant rien le lui garantissait qu'on ne le trahirait pas. L'échec était mince, mais il restait envisageable et cela aurait bien embêté l'aristocrate. Il n'avait aucune envie d'en venir à la violence faire croire à son décès, il n'avait pas l'intention de faire de victime sur son passage et espérait qu'il ne soit pas confronté à des dilemmes. Mais il fallait relativiser, après tout, il avait joué carte sur table, toutes les chances étaient de son coté maintenant.

Seldar était toujours aussi époustoufflé par ce que lui offrait l'aristocrate. Mais surtout, il y avait de nombreuses questions qui se bousculaient dans ses pensées, il ne pourrait les retenir indéfiniment, c'est pourquoi il se disait qu'il allait demander tout de suite ce qu'il en retournait. Curieux comme il était, il voulait savoir, il n'attendait qu'un signe pour commencer son interrogatoire. En même temps, si cet homme lui offrait une telle somme pour qu'il se taise, il n'allait pas lui dire tous ses secrets. Pour les connaître, Fabrice devrait chercher pendant toute la durée du voyage, c'était un pari risqué, mais il comptait bien répondre aux questions qui le taraudaient, à moins que Monsieur Mornel n'accepte de répondre.

- Il y a une chose qui m'intéresse dans tout ça. C'est la raison de votre mort. Pourquoi? Pourquoi vouloir disparaître ainsi?

Charles ne s'était pas attendu à cette question si tôt, en fait il aurait bien aimé l'éviter. Mais puisqu'il le fallait, il allait répondre. L'aristocrate se releva un peu dans son siège et braqua son regard d'ambre dans celui de Seldar. Il lui fit subir cette froideur pendant un certain temps, les yeux emplit de mépris. Après tout, cela ne le regardait pas le moins du monde.

- C'est une longue histoire.

- J'ai tout mon temps, répondit Seldar en croisant les jambes.

- Bien. Depuis un certain temps, des rumeurs courent à mon sujet, elles sont toutes erronées, mais pas moins destructrices. Dans Paris, certains parlent de ma personne comme un sorcier maléfique, d'autres disent que j'ai conclu un pacte avec le diable et d'autres encore parlent de moi en tant que l'incarnation du diable. J'avoue que se serait bien tentant de le faire la peur de leur vie, mais je ne suis doué d'aucun don, je suis un homme comme un autre, qui veut la paix.

- Alors pour ne pas que l'on me poursuive jusqu'en Amérique pour ces idioties, je veux faire croire à ma mort. Cependant, aucun d'entre eux n'aura ma fortune, elle a déjà été léguée et vous n'en détenez qu'une once. Je ne veux pas que l'on retrouve ma trace, c'est pourquoi je vous ai engagé.

- Vous comprenez?

Charles se demandait si l'homme allait se contenter de ça, c'était la vérité après tout, enfin une petite partie. Il n'y avait pas que ça, il y avait beaucoup d'autres raison dont une qu'il fallait taire. Jamais personne ne devrait apprendre qu'il était un Lycan, si un jour on venait à le découvrir, se serait la fin. Terminé la liberté, adieu la vie et pire encore, se serait compromettre toute l'existence des Lycanthropes. Contrairement aux Vampires, ils étaient bien moins nombreux, mais surtout ils ne voulaient aucun mal aux humains, l'harmonie avec le monde était une base pour eux. Bien plus tard cependant, les hommes enfreindront les règles de la nature et viendront à la détruire, à ce moment là, les Lycans interviendraient, mais c'était encore un lointain futur ignoré de tous.

Fabrice doutait de la franchise de l'aristocrate, c'était bien trop gros comme rumeur, comment des gens pouvaient croire à de telles absurditées? Le Diable ne s'incarnerait pas dans une personne telle que monsieur Mornel, qu'avait-il à y gagner? Lui vint alors à l'esprit ce que le noble venait de lui dire, il avait une énorme fortune et que les quelques bijoux qu'il venait de lui léguer n'étaient rien comparé à tout son patrimoine. Ce qui voulait certainement dire qu'il avait de l'influence dans les décisions prises à la cour royale, peut-être était il commis, ou conseillé du roi. Ainsi, le Diable pourrait jouer facilement avec lui, il pourrait se servir de cet homme pour accomplir ses diverses dessins.

Mornel avait la carrure de l'aristocrate par excellence, il avait les manières et cette sorte de mépris envers les classes inférieures au siennes. Et puis, cette étrange regard que Fabrice avait vu et qu'il voyait encore. Ces yeux à peine humains, beaux et terrifiants. Cette couleur n'était pas naturelle, ils paraissaient presque doués de vie, même si c'était certainement du à un jeu de lumières. Il y avait quelque chose en cette personne, que le guide trouvait presque félin, mais après il se faisait peut-être des idées. A force de chercher des étrangetées en quelqu'un, on en venait souvent à des conclusions hâtives et hasardeuses.

Charles était en train de se demander les réflexions qu'effectuait l'esprit de Seldar, comptait-il en rester là? Certainement pas, mais avec un peu de chance, il cessererait ses questions pour le moment. Se serait tellement plus relaxant de ne pas devoir répondre à des montagnes de questions, inutiles et faites pour simplement répondre aux curiosités d'un ancien malfrat. A la place, ils pourraient tous deux parler, mais rien ne les rapprochait, ils n'avaient pas d'activités communes, pas une ressemblance. Le noble sentit alors que le voyage allait être long.

- Ma foi, votre histoire se tient. Mais vous ne me dîtes pas tout.

Sans perdre son sang froid, l'aristocrate répondit d'une voix sans timbre.

- Ainsi, nous en sommes au même point l'un et l'autre.

- Vous recommencez! Charles se permis d'hausser un sourcil. Ne faites pas comme si vous ne compreniez pas, vous êtes tout sauf idiot, alors que Seldar disait ça, on put entendre un « merci pour moi », ma parole! Vous vous prenez pour qui?! Vous m'avez roulé dans la farine, vous m'avez engagé sans que je ne sache ce que j'allais faire pour vous, vous, vous...

- Vous avez agit de votre plein gré.

- Vous m'avez manipulé! Quand on dit que vous êtes l'incarnation du Diable, on a peut-être pas tord.

Charles fut déçu par cette réponse, même un peu vexé, il n'avait rien du démon parbleu! Il était tout ce qu'il y avait de plus normal, si on ne comptait pas le fait qu'il ne vieillisse plus physiquement. Mais ça, Seldar ne le savait pas, il le prenait certainement pour un jeune noble qui avait la trentaine, un homme hautain qui se prenait pour ce qu'il était, comme tous les aristocrates.

- Si j'étais le Diable, je me serais déjà débarassé de vous pour prendre une personne qui m'importunerait moins que vôtre personne, je me serais même débrouillé sans aide. Mais comme je suis un homme, tout ce qu'il y a de plus Normal, votre contribution me serait très précieuse.

Pendant un instant, Fabrice pesa ce que lui disait Mornel. C'est vrai que sur ce point il était dans le vrai, mais...

- Mais si vous dites ça pour justement me faire croire que vous n'êtes pas le le Diable et qu'en fait vous l'êtes, je risque de perdre gros.

- Oui, mais vous pouvez gagnez beaucoup, dit Charles en montrant du menton la mallette.

Cette dernière réplique fit se taire le guide, qui laissa aller ses yeux à contempler les pierres précieuses qui siégaient magnifiquement dans leur boite, faite en bois de rose et dont l'intérieur était recouvert d'un tissu de soie de couleur vert émeraude. Fabrice ne savait plus que penser, il avait la possibilité, non l'obligation maintenant d'accomplir le travail que lui offrait l'aristocrate. Mais il pouvait aussi se débrouiller plus tard pour le trahir. D'une autre manière, cela ne lui apporterait rien de plus. Dans ce que lui offrait Charles Mornel, il avait assez pour vivre aisément. Un léger sourire se déposa alors sur ses lèvres. Là il aurait le train de vie qu'il avait toujours souhaité et pour une fois il n'aurait pas fait quelque chose d'illégal pour parvenir à ses fins. A la fin de ce voyage il serait infiniment riche, il aurait des femmes, du pouvoir, l'opulence d'un vrai noble détroussé de sa particule. Et en Amérique, c'était l'argent qui importait le plus, ainsi que les idées. Il aurait maintenant les deux.

- Je suis votre homme, rien ne sortira de mes lèvres en ce qui concerne notre petit secret, dit il en accentuant son sourire. Vous n'allez pas être déçu.

Pendant un instant, Charles fut éstabilise de voir Seldar changer si rapidement d'opinion. Quelques minutes auparavant, l'homme était plein de doute et il réagissait en totale contradiction avec ses précédentes paroles. L'appât du gain, même avec le diable, ne le laissait pas indifférent. Cet homme semblait prêt à tout pour toucher de l'argent. Enfin, ce qu'il lui offrait était tout de même une somme considérable pour un pauvre homme de port, un homme qui joue les grand alors qu'il n'a pas le sou.

Seldar tendit la main, comme pour sceller leur accord. L'aristocrate accepta cette marque de mise à égal et serra vigoureusement la main de son nouveau partenaire. Cette fois-ci, il le regarda avec une certaine chaleur, qui contrasta avec l'attitude qu'il avait eût jusque là. Malgré cet accord, Charles n'était sur de rien, bien sur il taisait ses doutes, mais l'impression que tout se passait trop facilement pour que ce fût vrai le tracassait.

- Ma chambre est par là? Demanda Seldar en interrompant les réflexions de Charles, désignant une porte à l'opposée de celle qui menait à la pièce réservée au noble.

Celui-ci inclina la tête et regarda le guide marcher jusqu'à la porte. Devant elle, il sembla hésiter, puis il l'ouvrit et passa l'entrée.

La chambre semblait douillette et contenait tout ce que l'on pouvait espérer trouver dans un bateau, l'homme laissa ses yeux aller ou bon leur semblait, révélant à son esprit ce qu'il n'avait jamais pu s'accorder, même sur terre. Sans trop y croire, il s'approcha du lit et en effleura le tissu. Avec ce noble, il avait tiré le gros lot, il pourrait se faire une nouvelle vie, se construire une nouvelle réputation, créer quelques rêves qui lui trottaient dans l'esprit depuis quelques temps. Rien ne semblait plus difficile à réaliser en pensant à ces diamants qui trônaient fièrement dans leur étuis de rose. Et tout ça lui appartiendrait si et seulement si, il accomplissait avec succès sa mission, qui d'après lui ne s'avérait pas des plus ardue. Se serait tenir sa langue jusqu'à sa mort qui serait le plus dur. Mais, il aurait tout le temps de s'occuper à faire autre chose, qu'à dénoncer la double vie d'un aristocrate qui s'exilait par la mort. Si ses espoirs étaient récompensés, il se dit qu'il deviendrait peut-être plus assidu dans ses prières, car Dieu venait de lui accorder la seconde chance qu'il avait attendue. Même s'il n'avait pas encore tous les détails de ce qu'il aurait à faire, il s'en sentait capable et il avait soudainement une certaine confiance, aveugle certes, mais plausible envers Charles Mornel. Cet homme avait longuement réfléchit avant de l'engager, il avait fouillé dans son passé, Seldar aurait certainement été blessé qu'on agisse ainsi, mais cette fois la donne était bien différente. Tout laissait à penser qu'il parviendrait en Amérique riche et désenchainé de son passé.

En pensant à tout ce qui venait de se passer, en si peu de temps, Fabrice perdait un peu ses moyens. Un sourire inconscient s'étirait sur ses lèvres, témoignant de ses heureuses ambitions. Il n'aurait jamais cru qu'on puisse vraiment lui faire confiance maintenant et là, justement, cet homme connaissait ses méfaits et il l'acceptait, renversant la tendance de ses défauts, devenus des qualités primordiales pour ce qu'il devait accomplir. Mentir. Il n'avait qu'à faire ça, et encore se ne serait pas dur. Rien n'était difficile dans le mensonge. Pas pour lui tout du moins.

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